Le Kuéisme : Une philosophie, une sociologie, une ethnologie, une anthropologie (Kimuntu – Mbelolo), selon la perception de Kounkou Kue Theodulos Auguste. Le kuéisme nous envoie indubitablement envers l’autre, l’altérité avec qui il est impérieux de composer, pour vivre heureux. Telle est la signification de « Kue» ; autrement dit « chez »… chez quelqu’un d’autre, par quelqu’un d’autre !
Si j’étais la clé de mon épanouissement, l’autre serait donc la serrure à travers laquelle la porte de ma vie pourrait soit s’ouvrir ou se refermer. C’est le « je » et le « tu » conjugué à nous qui pourraient mouvoir notre humanité (Kimuntu), dans le bon sens.
La crise de sens et de confiance engendrée par les radicalismes de tout bord entraine le Monde vers le chaos.
Les violations de la souveraineté des Etats par la dictature des multinationales compromet et hypothèque la Paix des nations, à travers des mécanismes obscurantistes qui « main-tiennent » les ignorants dans le fanatisme.
Autant faire ce peu, le kueisme se veut être un vaste champ d’humanité à labourer, dans la complémentarité de nos différences, comme libellé dans l’ouvrage « KINTUADI –Mayela » : « Nous avons à dépasser l’obstruction obscure du préjugé pour accueillir l’altérité sous la lumière d’une rencontre causant, susceptible de nous révéler l’autre et finalement de nous aider à nous révéler à nous-mêmes. Nous n’y parviendrons que par l’entremise du respect. » (P.76).
Composer avec l’altérité est notre passion (si nous pouvions en avoir une !). C’est ainsi que cette rubrique est exclusivement illustré par des extraits de textes et des réflexions de l’auto éditeur Kounkou Kue Theodulos Auguste, avec l’appui d’images.
THAUKO.com (22 Mars 2016)
LE KUEÏSME UNE DES BRANCHES DU MUNTUÏSME
Peut-on véritablement parler de KI-MUNTU ou du MUNTUÏSME sans y inclure ou intégrer l’altérité ?
Le bon sens commande à ce que l’on réponde à cette question par la négative !
Défini comme l’aspiration éternelle de la raison humaine le KI-MUNTU n’est viable ou du moins ne peut l’être que, si je vais ou je communie avec l’autre. Cela revient à dire que le KI-MUNTU est, inexorablement un voyage en partance de l’univers de « je » et à destination de l’univers de « tu ».
C’est, peut-on dire l’expression même de KUE, c’est-à-dire de ce voyage d’alliance de « je » et de « tu » ou de deux êtres qui, par la communion des valeurs qui leurs sont identiques deviennent par conséquent le MUUNTU MUSHI ou UN.
Ainsi, le UN, le MUSHI ou le MU-NTU, l’être intelligible ne l’est véritablement que s’il est source d’amour ou de ZOLA, de cette énergie d’attirance ou de communion qui le rapprocherait de son semblable.
D’où la symbolique du nombre deux ou ZOLE en langue KOÔNGO. Autrement dit, le nombre ZOLE est celui de l’altérité donc de la complémentarité, somme toute, de l’humanité.
C’est ainsi qu’en matière d’amour, le principe philosophique de KUE traduit, entre autres, une liaison, en l’espèce le NA qui marque la conjugaison ou l’union de deux êtres qui seraient au cœur d’une force énergisante d’attirance, de communion ou d’unité.
C’est ce qu’on appelle en KOÔNGO, le principe de ZOLA-NA qui, par définition, est la négation du principe de l’amour à sens unique, pour inviter deux êtres, par le jeu de KUE et de NA, à S’AIMER.
Aussi, le KUEÏSME, est une invitation qui consiste en la rencontre ou en la découverte des hommes et des femmes à l’effet de bâtir une société plus juste et plus humaine.
En définitive, le principe de KUE précède celui de ZOLA qui a pour corollaire celui de ZEKA, c’est-à-dire d’ouverture ou de conformité, qui, au final contribue à l’élaboration du principe de l’unité ou KUE-ZEKA.
D’où d’ailleurs, la signification du verbe KUEZEKA qui exprime toute idée d’union ou d’alliance notamment en matière de mariage ou KI-KUEZI.
C’est dire que le KUEÏSME est la voie, le chemin de la rencontre des hommes et des femmes qui aspirent, au final, aux aspirations profondes du MUNTUÏSME.
RUDY MBEMBA-DYA-BENAZO-MBANZULU (TAATA N’DWENGA)
Conforté par la pertinence du kongologue-muntuiste, cette notion d’alliance avec l’altérité demeure le leitmotiv du keuisme, comme nous pouvons le lire dans le livre « Kintuadi-Mayela », de la page 55 à la page 77 dont nous vous livrons gracieusement le morceau choisi:
« Ce lien est incarné par « Longo » : Longo = mariage au sein duquel les conjoints vont s’apprivoiser mutuellement. Dans longo, il y a les mots : sacré (bulongo), longa (conseiller, éduquer…), longoka (étudier, s’étudier, chercher à mieux se connaitre pour se comprendre) ; d’après le docteur Denis Samba dia Maloumba-Mpombo. La responsabilité engage notre liberté individuelle à entrer en relation profonde avec l’autre, tandis que le contrat sous entend d’office un cadre conventionnel auquel on souscrirait pour atteindre ses fins propres, en concédant en partie, satisfaction à l’autre partie, en échange de… une sorte de contre partie conditionnée, garantie par certaines dispositions légales ou juridiques contractuelles.
Un contrat est contraignant et court le risque de rupture dès lors que les engagements ou obligations ratifiées ne sont tenu par l’une ou l’autre partie ; alors que l’alliance est conçue pour la durée, comme l’annonçait le précepte d’autrefois : « pour le meilleur et pour le pire », d’où son caractère indissoluble et irrévocable selon les canons 1056 et 1057 qui stipulent : « Les propriétés essentielles du mariage sont l’unité et l’indissolubilité qui, dans le mariage chrétien, en raison du sacrement, acquièrent une solidité particulière (Can. 1056). C’est le consentement des parties légitimement manifesté entre personnes juridiquement capables qui fait le mariage ; ce consentement ne peut être suppléé par aucune puissance humaine (s1). Le consentement matrimonial est l’acte de la volonté par lequel un homme et une femme se donnent et se reçoivent mutuellement par une alliance irrévocable pour constituer le mariage (s2), cf. Can. 1057. L’alliance (Ki nkuezi) ou longo signifie en koongo : le lien sacré. Si nous décryptions ces deux expressions : Ki nkuezi et Longo. Ki nkuezi nous donne le verbe Kuezeka, en d’autres termes recherche permanente de consensus (kooko mahji, kooko mungua), car il faudrait sans cesse manipuler du fil à retordre (zeka), réglage indispensable quasi quotidien. C’est en « kue-zekant » que le mariage finit par avoir du sens (Ma kuela), comme en dressant le « musinga » (ficèle), mu singasa = s’accorder, lier les deux cordes pour une finalité de liens solides. Ce terme koongo du mariage souligne avec perspicacité que le mariage demeure ce lien où l’on a jamais fini de se découvrir (Ku ela = rechercher avec frénésie, avec véhémence), cette grande force expressive et entrainante susceptible d’émotions, ne saurait laisser l’autre indifférent, dans la recherche de l’harmonie au sein de cette alliance (Ki nkuezi) qui va rassembler des clans et lignages bien différents. D’après le Kongologue Taata Rudy Mbemba dia bô Benazo Mbanzulu : Kuezeka signifie ajuster. Ce serait donc donner des proportions raisonnables, mettre en symbiose par association avec l’altérité ; car le mariage koongo n’engage pas que les principaux acteurs, femme et homme. Ils engagent et impliquent de façon indissociable les huit lignages paternels et maternels des futurs conjoints : 4×2=8. « Aussi le nombre Naana ou huit est celui de l’effort et surtout de la persévérance du Muuntu pour vivre dans la Paix. A dire vrai le terme nâna dérive des verbes nâka, nâkisa et nangisa et qui respectivement veulent dire : prédire l’avenir ou s’élever, faire élever ou faire monter et rendre solide. En somme, le nombre nâna ou huit est celui de la traduction du principe de la persévérance lequel est source de la possession ou vwa. Cependant, le principe de la persévérance n’a véritablement de raison véritable pour le muuntu que s’il consacre en son sein la notion du travail ou de l’action. » (cf. Le muuntuisme et sa philosophie sociale des nombres / Rudy Mbemba-dya-bô-Benazo-Mbanzulu, p.98, éd. L’harmattan). C’est ainsi que l’alliance revêt un caractère prépondérant au sein des sociétés Koongo, elle va agrandir la famille au-delà du clan, elle devient ramification des mvila za makanda (tissage de liens multiples). Ainsi la prise en compte non seulement de l’autre dans l’alliance mais aussi de tous les autres pour fonder et élargir sa famille, pour savoir vivre en société de façon intelligible, afin de ne pas se laisser ni absorber, ni « manger » par d’autres, tout en leur reconnaissant des droits au sein de cette alliance extensible.
Quand au terme Longo se confondant avec Ngolo (la force), le lien substantiel est établi pour faire tenir les liens du mariage dans la durée, cette force puisée dans l’union au sein de laquelle va se prolonger « l’instruction, l’enseignement, la formation (longoka), dixit Maître R. Mbemba. Longo-ka serait donc cette force qui motiverait la connaissance. Mais dans Longo, il y a aussi cette notion de renoncement (Ngo), attestant le refus, le fait d’abdiquer, de couper les ponts, de quitter certaines affinités, pour s’enraciner solidement dans le mariage, comme cela se célèbre dans le mariage chrétien : « L’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme et tous les deux ne feront plus qu’un » (Genèse 2 : 24 ou Ephésiens 5 : 31). Quitter, pour marquer une certaine distance, afin d‘étoffer durablement le lien du mariage, tout comme on devait abdiquer à son état d’être d’autrefois, etc. Ngo est aussi le nom de la panthère en koongo, une fauve pas facile à dompter ; comme si le mariage consisterait à dompter l’animal féroce qui dort en chacun des partenaires à l’alliance…
De ce point de vue, la nuance est claire entre alliance et contrat. Nous pouvons mieux le constater dans les actes pouvant lier les individus ou les communautés, dans bien de cas précis, comme le « Temo peleko Mueko» ; Temo (kitemo) est cette institution de solidarité au sein d’un groupe humain, où se manage et se régule la redistribution des contributions financières individuelles, au profit des membres de cette institution, sous les auspices de Ngudi Temo (la mère gérante et pourvoyeuse), de façon rotatoire, pour que chacun accède au bien-être individuel, de façon à pouvoir pallier au manque du nécessaire (kondo kua kima pele). « Mueko » est également une institution contractuelle ou deux personnes, voire des familles s’unissent en ki mvuka (mutualisation des efforts), le fait de mettre en commun leurs moyens, leur énergie, afin d’optimiser le rendement qui sera redistribué de façon équitable au final du contrat envers les parties impliquées, soit dans le cas de l’élevage, soit dans une action ou une quelconque autre affaire ; Dans ce cas, la nature du lien avec autrui se circonscrit bien évidemment dans les délais et peut cesser soit au terme de l’échéance fixé ou définit dans les termes du contrat, soit à cause de la défaillance des modalités contractuelles.
Dans le cadre d’un vivre ensemble intelligent, Adela Cortina met en évidence cette autre différence : « Le respect du contrat est fondé sur la coercition et la force. Mais l’alliance, elle va évoquer plutôt la compassion, comprise non comme condescendance mais comme capacité à partager avec l’autre une même passion (joyeuse ou douloureuse) du fait de se reconnaître chacun comme une partie de l’autre. De ce fait, si des aléas ou difficultés non prévues survenaient, le contrat pourrait être invalidé ou renégocié, tandis que l’alliance se voit en général renforcé. On peut ainsi dire que ce qui fait tenir l’alliance, ce n’est pas ce qui a été prévu et convenu d’avance, mais plutôt l’accueil de l’imprévu. Ce qui garantit l’alliance, ce n’est pas la coercition et la force extérieure mais plutôt l’engagement intériorisé et inconditionnel. On retrouve en ce sens la valeur ajoutée de la procédure d’élaboration collective évoquée plus haut : le résultat final est d’autant plus valorisé qu’il dépasse ce qui était prévu individuellement par chacun des participants. Le collectif permet de faire place à l’imprévisible et de le valoriser » (cf. Le goût de l’autre, idem, p.116-117). C’est ainsi que le vivre ensemble rendrait gagnant l’un et l’autre avec leurs différences.
Les ressemblances, les similitudes ne sont pas une garantie à la cohésion, contrairement à l’adage populaire qui stipule que « tout ce qui se ressemble s’assemble » ! Ce qui peut être vrai pour les animaux dépourvus de raison et dominés par l’instinct ne l’est pas pour la personne humaine confrontée à un autre type de vie ou de survie. La complémentarité est complétude bien mieux que se complaire à se sentir tout complet sans avoir besoin de l’altérité pour s’épanouir. Ce ne serait pas de l’angélisme que d’avouer et de reconnaitre que seule la reconnaissance de l’autre dans ses particularismes lui donnera conscience de sa place dans la communauté, constituée elle-même d’identités plurielles. Arrêtons donc la stupidité d’indexer les différences qui permettent de mettre le monde en mouvement (Eksister).
La problématique de la reconnaissance des particularismes « culturels et identitaires » par les institutions pose de facto la question des politiques de l’éducation multiculturelle, sur le plan de la collectivité, en aidant à porter à maturité la place de chacun au sein de la communauté ; sachant que la place de l’homme, celle de la femme aussi bien que celle de l’enfant et celle de l’animal de compagnie… est perçue bien différemment au sein des traditions de personnes appelées à cohabiter. La politique et l’éthique d’égale dignité des citoyens au sein d’une même société qui se reconnait plurielle se doivent sans hypocrisie, sans tergiverser de s’atteler à l’édification d’un idéal qui exige la mise à plat d’un fonctionnement institutionnel qui amplifie plus d’inégalités qu’elles ne les jugulent. Le modèle français d’intégration des « étrangers » martelé et imposé est voué à l’implosion, du fait de la dictature des institutions qui voudraient la nihilisation des cultures et traditions spécifiques des migrants au profit d’une « république moulinette » qui voudrait l’égalité dans l’uniformité, soit une identité fusionnelle. Un pays qui fait le choix de l’uniculturalisme (monoculture) est condamné à l’ignorance, à l’exacerbation des tensions sociales, à la misère et à l’abrutissement avec l’imprévisible conséquence de son extinction identitaire à petit feu.
Les frontières des pays ont été repoussées au large des océans, nous devrions donc nous rendre à l’évidence qu’une société multiculturelle est comme un jardin d’essai où toutes les expériences ne seront pas forcément porteuses ou concluantes. Il faudrait cependant soutenir et encourager tout processus visant à atteindre l’idéal de bien vivre ensemble, dans la considération et le respect de l’altérité. Ici s’impose la culture et l’éducation à la tolérance et au bon sens. Cette prise en compte peut se réaliser concrètement à travers les manifestations culturelles (foires, expositions, festivals, publications en langues vernaculaires…), une façon d’inciter les autres à un peu plus d’ouverture et au partage dans la communion des communautés. Puissent les institutions encourager de ce fait les regroupements associatifs, loin de favoriser le communautarisme, pousseraient les groupes dits communautaires spécifiques à se montrer aux autres, pour exprimer leurs particularismes qui pourraient de ce fait servir de trait d’union en communautés hétéroclites. Il y a moins de xénophobie dans les quartiers constitués de populations hétérogènes que dans les milieux protégés et réputés homogènes. « La reconnaissance exige que nous accordions à toutes les cultures la présomption que, (puis qu’elles) ont animé des sociétés entières pendant de longues périodes de temps, (elles) ont quelque chose d’important à dire à tous les êtres humains. Cela nous engage à étudier ces cultures, à déployer nos imaginations et à ouvrir nos esprits de façon à nous mettre en mesure de voir ce qui est distinctement appréciable en elles. A terme, lorsque la présomption s’avère justifiée, nous pouvons passer à un jugement de valeur égale ou distincte, car alors-et seulement alors-nous sommes en état de comprendre et d’énoncer les valeurs spécifiques et distinctes que chaque culture à offrir » (Charles Taylor, in Multiculturalisme, Différence et Démocratie, éd. Aubier, p.105)
La différence n’est pas antisymétrique à la cohésion sociale, si culturellement, chacun parvenait à affirmer son identité au sein du groupe ou de la communauté qui l’abrite. Vouloir de l’uniformisme ne serait qu’ennuyeux, monotone et susceptible de générer des frustrations. Il appartient donc aux institutions gérant la collectivité de circonscrire les espaces d’épanouissement inter identitaires, au lieu de les fustiger et d’en favoriser quelques unes au détriment des autres ; c’est à ce niveau que s’impose l’équilibre politique de la modération : « kooko mahji, kooko mungua », pas de neutralité en situation de conflit, mais savoir conjuguer à juste titre la tempérance nécessaire qui permette aux uns et aux autres de se savoir entendu et se sentir pris en considération au sein de la communauté. La cohésion entre différents groupes ne consiste pas à renoncer à ses rites, à ses coutumes, mais à s’ouvrir à l’altérité qui ne saurait être moins enrichissante du point de vue culturel auquel son apport est plutôt un terreau fertilisant. Dans un couple conjugal, l’homme qui souhaiterait que son épouse lui ressemblât à tout point de vue ne sera pas moins un tyran qu’un époux désagréable. C’est sur le miroir (reflet) imparfait de l’autre que nous apprenons à repérer nos fêlures pour les réparer, découvrir nos insuffisances, afin de les surmonter… toucher du doigt nos propres limites. La différence est ici un atout pour bâtir du solide dans la complémentarité.
L’unité dans la différence se doit d’être une unité coexistentielle sans hybride où chacun se reconnaissant et se sentant reconnu reconnaisse autant de droits que de devoirs à l’autre, dans la complétude complémentaire. Nous avons tant de choses en commun que certaines de nos différences sont comme autant d’ornements indispensables afin d’embellir notre décors de vivre ensemble. Nous n’avons tous qu’une seule parole, par exemple, mais pour la dire, diverses sont les langues, car « la parole se distingue de la langue, parce qu’elle est ce moment où l’intention significative, encore muette et tout en acte s’avère capable de s’incorporer à la culture, la mienne et celle d’autrui, de me former et de le former en transposant le sens des instruments culturels. La parole s’apparente au geste : il y a, dit Merlau-Ponty, une gesticulation linguistique (sic). De même que l’acte de peindre est enveloppement expressif et non logique causale, de même l’intention significative qui anime la parole la déborde par sa fécondité illimitée. Elle porte en elle l’excès de ce que je veux dire sur ce qui est ou a déjà été dit. Mais cet excès est le fait d’un sujet parlant qui appartient à l’histoire et donc à une tradition » (cf. Myriam Revault d’Allonnes, idem, p. 238)
Ce n’est donc pas le fait que des personnes vivant dans un même espace ne parlent pas la même langue qu’elles ne pourront ou ne saurons communiquer. Je fus heureux, le jour où je partageais un modeste repas avec une amie Russe, échangions à juste titre sur la richesse interculturelle. Discutant sur ma dernière publication « Bu Kento », je venais d’apprendre d’elle que maman se disait Na, dans sa langue maternelle et dans la mienne Maama ; les deux appellations pouvant signifier « donner », aussi bien en ki- koongo que dans la langue Russe ! Na peut aussi être utilisé comme diminutif du verbe donner en ki-koongo (Ngana, mpana). Le multiculturel serait moins un projet social du bien vivre ensemble utopique, si l’on faisait moins d’inflation et de la surenchère nationaliste avec la fameuse identité nationale. La vie serait bien monotone sans diversité de cultures et la nature plurielle du monde nous l’enseigne à nos dépends. C’est pour cela que le multiculturalisme reste un système social de bien vivre ensemble à inventer et à expérimenter, selon les particularismes identitaires en présence sur un territoire donné, pour bâtir une communion de communautés : la collectivité. Le multiculturalisme n’est pas synonyme de multi racisme, mais corrélation interactive à entretenir lucidement, car cela est un enjeu social majeur à user avec circonspection. Eu égard à ce qui précède : le discours égalitaire est voué à se taire devant des inégalités criardes au sein de la diversité des communautés qui n’y trouve pas son compte, tant les discriminations sautent aux yeux !
Accepter et respecter la différence n’est que la base du bon sens, de savoir reconnaitre les deux faces d’une même pièce de monnaie. Ce serait un travail dépourvu d’esthétique que nous offriraient les argentiers, s’ils ne nous produisaient que des pièces de monnaies et des billets de banques à face unique. Comment cela serait-il beau et possible ? La différence s’impose, elle ne saurait être occultée, ne fusse que par réflexe de bon sens. Il reste cependant à la reconnaitre, la valoriser, la respecter et la promouvoir. Les deux faces d’un billet de banque ou celles d’une pièce de monnaie ne sauraient être contradictoires, ni opposées même si elles ne sont point frappées de la même effigie. Tant d’objets nous prouvent à suffisance que la différence usitée à bon escient, loin d’être nuisible est une complémentaire indispensable en éthique et en politique. L’homogénéité n’est pas forcément créatrice de conditions suffisantes à la cohésion sociale. Elle peut donner l’impression ou la sensation d’une relative quiétude au sein du groupe, du fait de disposer quasiment de codes identiques dans différentes situations de vie quotidienne, ce qui ne serait que soumission à un certain conformisme ; tandis que l’autre qui ne maitriserait pas les codes du groupe ou ne voudrait pas s’y soumettre provoquerait un agacement, une remue ménage, un dérangement. C’est justement ce qui convient à un groupe statique de devoir rebondir ou se remettre en question pour avancer. L’altérité peut-être à ce titre un facteur innovant susceptible de susciter le renouveau au sein de la collectivité locale. La rencontre de l’autre permet de sortir de la frilosité et de briser l’inertie de l’homogénéité ; soit de progresser avec son temps, soit à se réapproprier ce qui commençait à tomber en désuétude, car l’autre nous révèle nos profondeurs cachées inconnues ou méconnues. A chacun de saisir la rencontre avec l’altérité non comme un fâcheux qui viendrait brouiller mes cartes, mais plutôt stimulation à porter sur moi-même un autre regard sur mes richesses et mes pauvretés. » (cf. KINTUADI-Mayela, auto édition 2015, disponible sur commande, à travers le contact www.thauko.com).
A chacun ses choix, à chacun sa voie !
THAUKO.COM (4/4/2016).
Conférence du mois de Mai 2016
Diasporas et Développement
Pour savoir et bien comprendre de quoi allons-nous parler ? Il me parait important que nous saisissions ce que veulent dire : Diasporas et Développement.
Du point de vue de l’histoire, le terme diaspora est utilisé pour désigner les communautés juives disséminées ici et là à travers le monde, au cours des siècles, loin du territoire de leurs ancêtres. Par extension, la diaspora signifie donc une communauté dispersée qui vie loin de son territoire d’origine. Pour faire simple, cette définition pourrait nous éclairer dans ce qui va suivre au cours de cette communication. S’agissant du terme développement, nous le comprenons comme un déploiement, le fait d’accroitre un objet, le rendre plus important, plus performant, mettre en relief ou exposer de toute évidence quelque chose qui grandit, capitaliser sur l’existant pour le porter au stade d’un rayonnement cohérent et harmonieux. Cette notion nous inspire donc le fait d’être dans une logique de croissance et non de la stagnation ou dans la décroissance. Il nous fait penser au progrès : « kuenda ku mantuala = Aller de l’avant ou progresser », enrichir un domaine spécifique pourrait de ce fait contribuer à son développement.
Alors, qu’entendons-nous donc par Diasporas et développement, dans le contexte de notre intervention ? De quoi voulons-nous parler et à quelles fins utiles ?
Parler de la diaspora africaine serait un peu prétentieuse, car il n’y a pas une seule Afrique, il y a des Afriques, entendu comme sous-ensemble au sein du grand continent qui regroupe plus de 50 pays avec tellement de diversités et des variétés des peuples multicolores, avec autant de mode de vie différentes, d’Alger au Cap, de Freetown à Djibouti, sans compter toutes ces iles encerclant ce majestueux continent : des iles du Cap-Vert à Madagascar et environnants. De la méditerranée à l’océan Indien, de l’océan Indien à l’océan atlantique. Des Afriques aux langues diverses parlées à travers tous les autres continents du monde. Oui, l’Afrique est multiple ! Parler de sa diaspora me parait réducteur, nous parlerons donc des diasporas des Afriques. Mais, nous ne voulons pas heurter les géographes et les historiens, en extrapolant à ce propos. Nous allons nous limiter à la diaspora de l’Afrique subsaharienne dont nous sommes issus.
Bien avant nous, des africains qualifiés de noirs furent déportés comme esclaves, il y a six siècles, diversement appelés, tantôt noirs américains, tantôt afro-américains, ce qui serait une appellation discriminatoire et abjecte ; car dans les Afriques, nous n’appelons personne hollando-africains, les blancs qui ont élis domicile en Afrique du sud et qui plus encore ont infligés l’apartheid aux autochtones (ironie du sort !). Enfin, c’est une autre histoire.
Voyez-vous, parler de diaspora peut nous emmener très loin, si nous voulons parler des dispersés de la communauté des peuples de l’Afrique subsaharienne. Recentrons-nous plus particulièrement sur les ressortissants de l’Afrique centrale, de l’Afrique australe et de l’Afrique de l’Ouest avec qui nous partageons quasiment les mêmes galères et les mêmes folies. Ces différents peuples dont nous constituons les diasporas africaines en Europe ont des dénominateurs communs : le sens du lien avec la famille restée au pays, le sens de la recherche d’équilibre dans la relation à l’autre, affectueuse ou affective, le goût prononcé de faire la fête, la prétention de vouloir prouver aux autres membres de nos communautés d’origines qu’on a réussit, les sarcasmes. Les médisances, les colportages des ragots…les « buzoberies » de tous genres, brefs. Une envie plein de paradoxes et parfois de contradictions gênantes… sans omettre la religiosité, les superstitions et tutti quanti.
Vivre loin de ses racines n’est pas une chose aisée, car il faut parfois lutter contre la nature qui ne nous fait pas toujours des cadeaux. Une recherche permanente d’équilibre est indispensable, tant les contraintes professionnelles nous imposent ou plutôt nous conditionnent à un notre mode de vie qui ne saurait faire économie de stress, etc. Ici, par exemple, le temps revêt une autre valeur que d’où nous venons : « time is money » disent-ils, alors que là-bas, la valeur du temps est dans la nature. A propos, pour se souvenir d’un évènement, on remontait le temps à partir d’un fait saisonnier, par exemple la moisson ou la récolte d’un champ, la naissance d’un enfant, un décès, un retrait de deuil, un mariage, etc. Aussi, pour gérer l’heure, nos grands parents s’orientaient selon le positionnement du soleil ou d’autres phénomènes comme la descente des lézards (des arbres) ; très probablement lorsque le soleil était au zénith. De nombreux exemples pourraient nous édifier à ce sujet. Vous comprenez donc que beaucoup d’entre nous aient du mal à courir tout le temps dans le sens des aiguilles d’une montre. Ceci n’est qu’un détail qui vient illustrer quelques soucis du quotidien de certains d’entre nous, surtout ceux qui connaissent l’immigration à un âge avancé, le temps n’a pas la même valeur pour tous.
Les raisons qui nous ont arrachées à nos pays d’origines sont si variées qu’il serait téméraire de porter un jugement de valeur sur le genre de vie que certains d’entre nous mènent dans ces pays d’exile où d’autres ont été obligés et contraint de s’établir, en attendant un retour hypothétique au pays.
Dur-dur, la vie d’exilés ! Cependant, d’autres ayant franchis le seuil du paradis tant espéré, tant rêvé vont avoir quelquefois des comportements pour le moins surprenant. C’est aussi tout cela les diasporas des Afriques, des peuples en mouvement, mais vers quel but, pour quel objectif ?
Il y a de ceux qui ont pris le chemin de l’immigration par contrainte, d’autres par convenance, cependant, tous nous sommes logé à la même enseigne à l’étranger : s’intégrer dans les pays qui nous accueillent, en nous conformant aux lois en vigueur dans leurs pays ; ce qui ne va pas sans peine ! Avec des soucis de régularisations administratives, pour obtenir titre de séjours et d’autres démarches nécessaires. Pour ceux qui ont déjà franchi ce cap, désormais c’est avec le fisc qu’ils devront composer, car reconnu par l’état : chômage, impôts, etc. Ceux qui sont « dénaturalisés » (changer de nationalité) vont devoir envisager leur existence autrement dans leur pays d’option ou d’adoption. Tous ces paramètres vont influencer leur mode de vie et partant, leur rapport avec le pays d’origines. Pour certains, tout se joue désormais ici plutôt que là-bas, oubliant ou ignorant simplement la famille restée au pays, lorsque les liens n’ont pas été rompues pour des raisons diverses : sorcellerie, demandes abusifs d’argent par des tiers membres de la famille, déceptions suite aux affaires qui ont mal tournées où on s’est fait avoir, etc. Ne pouvant plus concilier les galères d’ici et de là-bas, on a vite fait de prendre du large, en se contentant de mieux se gérer ici. D’autres restent sans cesse écartelés entre les problèmes de là-bas et ceux d’ici qu’il faudrait gérer. Le contraste socio économique et culturel génère souvent des malentendus et parfois des tensions qui peuvent avoir des répercussions dans les foyers où l’implosion et les divorces finissent par prendre le dessus dans les ménages. Ce n’est donc pas facile de s’établir ailleurs que chez soi, avec tout ce que cela comporte.
Néanmoins, d’autres ne s’en tirent pas si mal, ils consentent d’énormes sacrifices ici, pour investir là-bas, dans l’espoir d’y garantir les vieux jours. D’autres encore commercent allègrement avec d’où ils viennent, pour s’octroyer un bol d’air pour ici. Hélas ! Ce n’est pas souvent le cas pour le plus grand nombre dont les pays d’origines sont en proie à la corruption, aux guerres, à l’instabilité politique, aux épidémies. Bref, la totale ! Comment tirer profit de l’immigration, lorsqu’on ne peut plus retourner d’où l’on vient ou lorsqu’on ne sait plus comment y retourner ? Surtout lorsque la politique s’en mêle ! Certains vont essayer de trouver refuge dans les groupes de ressortissants du pays d’origines, une forme de replis identitaire, pour compenser le mal du pays. D’autres par contre vont s’éloigner des gens du pays, pour vivre autrement leur solitude et tenter de faire comme les autochtones, empruntant leur mode de vie et ainsi s’affranchir des choses du pays. Mais tôt ou tard, la réalité finit par rattraper celles et ceux qui se sont laissé séduire par le mirage de l’intégration mal ficelée. Ne dit-on pas que le séjour d’un morceau de bois dans l’eau ne l’a jamais transformé en crocodile ?
Ayant fait d’autres expériences en pays de migrations, on en trouve, des idées d’émancipation où notamment, on rêve que les choses changent au pays. On se lance tantôt dans des actions politiques, pour développer d’où l’on vient. Mais quel type de développement envisageons-nous bien souvent ? Faire de là-bas un autre ici ! Complètement déconnecté de la culture autochtone et des mentalités gravées dans l’inconscient collectif. C’est là que le bas-blesse des esprits éclairés qui se sont imprégné des « occidentalités » sans changer de mentalité vont se heurter à l’aliénation culturelle, sachant que chaque continent a ses mœurs, ses cultures et que tout est « mouvement, tout est changement, tout est évolution » certes, mais jamais sans composer avec l’altérité, car seul l’esprit affranchit des pesanteurs de la matière pourrait mieux s’épanouir dans n’importe quel environnement, car transposer un modèle social, politique ou économique sur un territoire qui s’abreuve d’autres sources que celles des eaux souillées de fukushima ne sauraient développer ni le végétal, ni une quelconque espèce vivante en son sein. Le développement humain est avant tout une question de maturité intellectuelle, culturelle et sociale, de façon que suivent harmonieusement les autres aspects liés à son épanouissement spirituel et matériel. Tout le reste n’est que business. Le développement humain est dans le bonheur au sein duquel tout être humain puise son épanouissement. Il ne saurait être une affaire ni de château ni de commodités extravagantes, de possession démesurée de biens mobiliers et immobiliers ; sinon les enfants d’Afrique subsaharienne n’auraient jamais su ce que rire ou sourire signifierait, à comparer avec ceux qui baignent dans le confort occidental auprès desquels il faudrait presque apprendre à sourire ou à rire !
Mais pourquoi diable, les gens de la diaspora entrainent-ils leurs pays dans les méandres d’un développement obsolète ? Développer l’Afrique ne consiste pas à construire des logements sociaux, un copier coller emprunté à l’occident et susceptible de dénaturer le lien social du muntu avec ses semblables et son environnement. Notre développement ne serait-il pas refonder notre patrimoine culturel sur des bases intégrées du monde ancien aux valeurs universelles de notre monde contemporain (kohko mahji-kohko mungua) ? Que nos architectes usent d’originalité et d’inventivité pour mieux transposer ce qu’ils ont acquis ici en occident. Notre développement devait consister à accroitre les possibilités existantes, les mettre en valeur et les promouvoir ; tant soit peu au niveau culturel, économique, spirituel, etc. Aucun développement ne peut s’accomplir s’il n’est en symbiose avec la culture autochtone. Une réelle incarnation de la vision de la modernité s’impose, pour développer un peuple, un pays, un continent. Nous devons perfectionner l’existant (ki ma=ce qui a été donné, donc acquis), de son état embryonnaire à un stade avancé, adapté à la sociologie ambiante de nos contemporains, ainsi notre développement aura un visage d’humanité, au lieu de toujours tout importer des autres. L’Afrique subsaharienne dispose du quart des matières premières du globe terrestre, mais Elle semble continuer à tout attendre de l’Occident, au point où certains maniants se tapent l’Afrique avec ses ports maritimes et ce qui devrait appartenir à la primauté d’un Etat, ses terres fertiles qu’ils vont bientôt user avec des engrais chimiques, des pesticides et tutti quanti. Où sont donc passé les élites africaines qui étaient venu perfectionner leurs savoirs et capitaliser sur leurs atouts pour développer l’Afrique qui continue à servir de vache à lait aux éternels colons ? Nos malheurs, nos misères ne viennent pas des autres sans notre complicité ou plutôt avec notre traitrise. Apprenons à être nous-mêmes de façon que notre développement à taille humaine puisse redonner de la dignité aux africains dont l’ouverture aux autres continents subit des restrictions discriminatoires mais qui pourtant devrait trouver beaucoup plus de fierté à progresser dans la mutualisation de transfert de compétences, plutôt qu’à venir se jeter dans la gueule du loup, comme beaucoup d’entre nous…
Les résultats des statistiques de la banque mondiale nous donnent : en 2013, 39,16millions d’africains en Amérique du nord. 112, 65millions en Amérique latine. 13,56millions au Caraïbes et 3, 51 millions en Europe. Les transferts d’argent des diasporas africaines avoisinaient 39 milliards de dollars en 2015. Ceci pour signifier qu’il existe tout de même un mouvement des diasporas africaines envers leurs pays d’origines ; cependant vers quelles fins sont destinées ces fonds : pour assurer l’assistanat de nos familles ou pour les promouvoir et leur redonner de la dignité dont elles sont dépouillées par leurs gouvernants ? A travers des projets fiables et inculturés ou bien investissons-nous en Afrique pour nous substituer aux Etats démissionnaires qui ne peuvent même pas garantir les soins médicaux rudimentaires à leurs populations ? Ou bien, faisons-nous du social à la place de l’Etat démissionnaire, pour construire des écoles, installer des bibliothèques, etc. Si telle est notre situation, alors, ne croisons plus les bras, nous devons nous mêler de la gestion de la chose publique, pour ne pas laisser à ces rapaces le monopole de ce qui doit profiter à tous les citoyens, plutôt que d’encourager ces vautours à la gabegie et à la corruption…
Penser développement en référence aux clichés du développement de l’Occident serait ouvrir grandes les portes au néocolonialisme dévastateur in fine. Ceci n’excluant pas les échanges gagnant-gagnant qui honorent tout un chacun, en vertu de ce que l’autre pourrait apporter dans le respect de chacun. Nous devons prendre nos responsabilités, chacun en fonction de nos compétences, de nos acquis et de nos possibilités. Nous n’allons pas contribuer au développement de l’Afrique dans le mimétisme aveugle, mais en conciliant nos ressources locales aux potentialités disponibles ici et là-bas, dans la responsabilité, la dignité-le discernement-la diligence.
KOUNKOU Kue Theodulos Auguste, pour www.thauko.com
Paris, le 1er Mai 2016
L’emprise de la musique dans nos mœurs :
une réflexion sur la musique dite africaine contemporaine (1ère Partie)
Qu’il soit entendu que la musique est un langage universel qui exprime nos sentiments, avant de nous plonger dans cette thématique non moins complexe et qui ne saurait être exploitée de façon unique et exclusive. Nous portons notre regard vers la source de cet art si noble et si beau, mais hélas, défiguré par la perversion de quelques pseudos artistes en mal d’inspiration peut-être et qui entrainent particulièrement la jeunesse et les adulescents à la dérive des arts.
Nsambi
Outil nuisible ? Instrument envoûtement ?
Nsambi est un terme générique koongo pour désigner les instruments musicaux de la famille des cordophones tels que : Nsambi ya mulembo ( ), pluri-arc…
L’organologie (étude des instruments de musique) des koongo de l’Afrique centrale, d’après le l’artiste -luthier Christian Makouaya, est constituée principalement de cinq familles d’instruments de musique : Les cordophones dont le son est propulsé par les cordes (nsinga mu singasa muningu), semblables mais susceptibles d’émettre des sons différent, disant plutôt complémentaires, avec les instruments comme Lungoyi, ngômpfi… les lamelophones dont le son émane de la vibration des lames, comme Ki sansi (le piano à…), les membranophones les vibrations du son sont émises grâce au retentissement de la peau de certains animaux, dont la sonorité aura un impact de toute évidence, selon le bois utilisé, la profondeur de sa cavité et la peau de l’animal utilisé.Dans cette famille nous nommerons les Ngoma dit tam-tam, mukwiti, etc. Les idiophones dont les sons proviennent de tout le corps de l’instrument, comme Mukônzi, mukwaka… les aérophones dont la force de vibration provient du souffle, comme Nsiba (siflet), dimpoka ou mpungi (avec la corne). Il ya aussi la famille intermédiaire ou hybrides au sein de laquelle on peut retrouver tel instrument appartenant à la fois à plusieurs familles d’instruments comme Ki Sânsi qui est à la fois lamelophone et idiophone.
Chaque instrument est émetteur d’ondes différentes, convergeant vers la même fréquence d’émission (muningu = ningana= ninguisa= ninga ; être dans le frémissement harmonieux à contrario de « matsinu ntinu-ngoma ntinu » la désharmonie, bouger, se trémousser, fredonner un rythme). Mais le « Muningu-nza»reste l’ancêtre, le point de repère de la culture Kongo, c’est lui qui imprime le rythme de vie sociétale (kikulu). La musique irrigue tout le corps sociétal kongo, de la naissance à la mort, de la culture d’un champ à une quelconque initiation. Je me souviens encore de ces chants que nous fredonions en classe, pour maîtriser une leçon de grammaire, en sciences dite leçon des choses, en histoire comme en géographie, bref.
La mélodieuse musique traditionnelle koongo retentissait ainsi comme un accompagnement de la prière avec le nsambi (diminutif de nsambila qui signifie invoque-moi), par exemple avec Nsambi ya kisiulu (harpe d’oracle). Si tel était le symbolique de la musique traditionnelle dont la symbiose des ondes instrumentales pouvait servir de clés pour ouvrir les portes de l’au-delà ou de l’en-dessous ; il convient de savoir que la fréquence musicale émise converge vers ceux, celle ou celui à qui cette prière accompagnée est adressée. C’est celui à qui on adresse la prière qui est à l’initiative avec l’adhésion du priant (kisambidi), c’est pour cela que toute prière est exaucée, mais l’Homme serait-il si sensé pour reconnaitre en retour les doléances agrées de sa prière? C’est pour cela qu’autrefois, l’émission de certains rythmes pouvaient susciter des transes (kitsue ou mpeve = l’intervention des ou de l’esprit «kiba»), comme courroie de transmission d’énergie ou de messages des absents-présents à l’endroit des présents bien souvent absents. Mais, les clés de communication avec les ancêtres pouvaient également servir de traits d’union au sein de la communauté humaine, en guise d’appel envers le monde des esprits, comme moyen d’annonce ou de convocation des membres de la communauté avec des instruments à vent (mpungi) ou autre comme la sonorité du cuivre (nsongo), les percussions (Ngoma, mukonzi, nkonko, etc.). Nsambi s’apparentant à Sambila serait synonyme de sa-mbila, ce qui veut dire : faire appel à Nzambi, tout comme se mettre en prière. Le kongologue Rudy Mbemba-Dya-Bô-Benanzao –Mbanzulu, à travers son ouvrage intitulé « le muntu et sa philosophie sociale des nombres nous instruit que : « le préfixe Sa contenu dans le mot Sambila est une sorte de commandement ou d’invitation du Muuntu sur son état d’esprit vis-à-vis de Nzambi. Celui-ci doit être dynamique au point de situer le Muuntu dans une relation directe avec Dieu et de forte intensité. Ce faisant, cette invitation pour le Muuntu consiste pour lui et ce, à la fois à faire appel à la connaissance de Nzambi tout en étant dans une situation d’adhésion à ses principes.D’où la signification même du mot Mbila, désignant le fait d’appeler ou d’être appelé. Il s’agit pour le muuntu de prier, d’adorer, d’invoquer Nzambi pour mieux parfaire son existence par la compréhension de ses principes. En somme, le nombre Sambanu (six) n’est autre que dans la tradition koongo, celui qui décrit le fait de l’être dans sa démarche de connaitre Nzambi dans toutes ses profondeurs. Il traduit le fait de l’homme dans sa quête de recherche sur la réalité de Nzambi donc de la Vérité. Par la relation de sambila, le muuntu est sensé être dans un état de dynamisation spirituelle. D’où le sens, entre autre du mot Mba ou Mbau qui désigne le feu en langue koongo. Tel est ici, le chemin même de la libération de l’être du muuntu. Quand au vocable NU, il n’est autre que le diminutif du verbe Nûnga qui décrit le fait d’être sauvé ou d’être libéré du poids de quelque chose. En somme, le nombre Sambanu est, en quelque sorte, celui de l’espérance, de la prière et de la méditation du Muuntu sur son existence. C’est lorsqu’il applique le principe de Sa Mbila ou Sa MBA que le muuntu, d’après la tradition koongo, , se libère des contrainte du Nza, l’Univers. Si Nzambi a créé le muuntu c’est, selon la tradition koongo, pour des raisons bien précises, celles entre autres, de le voir en mouvement, en action afin que son existence soit toujours en perpétuel devenir notamment par la compréhension de sa part des mystères et des merveilles de Nza. » (Pp. 84-85). Notre musique de jadis fut donc à la croisée des chemins de la communication des énergies (tradere d’où nous vient la tradition), transmettre cette énergie de vie (luzingu) du monde spirituel à celui de nos émotions suscitées par les ondes musicales.
Nsambi est donc loin d’être un outil de malfaisance comme pourrait-nous le suggérer son appellation erronée « Nsa-mbi » qui signifierait littéralement : fais-moi du mal ou sois ma nuisance. Comble de l’ironie, c’est hélas ! Cette connotation qu’auraient choisies les nouvelles générations noire-Américaines, celles des Caraïbes et des Afriques, ces générations émancipées de l’ère démocratique à la sauce de la mondialisation des années quatre vingt-dix; à la vue des rythmes envoutants qui mettent en branle le corps entier, surtout ses parties les plus suggestives, incitant à l’érotisme et à la débauche. De ce point de vue, le Nsambi éloigné de sa vocation initiale d’adouber les rites avec des rythmes appropriés devient un instrument d’envoutement, loin de relier les dimensions horizontales et verticales de son art. Ses ondes négatives ayant ouvertes d’autres portes que celles des ancêtres et des dieux bienfaisants (guérison, fécondité, exorcisme des malédictions, etc.), ont libérées les démons fous de « la salsa des démons » pour vulgariser des émotions incontrôlables. Truffée de tintamarre, de cris assourdissants et de propagande partisane qualifiée éloquemment de dédicace. Notre musique afro n’est plus loin de l’affreux ! Ainsi la musique africaine contemporaine n’a plus de charme que sa sensualité, désormais prostituée ou plutôt substituée au strip-tease, ayant engendrée le ndombolo, impulsée le mapuka, une gamme de coupé-décaler ou plutôt « couper-dérégler » ! Ayant suscité de « coller les petites » (et je vous fais grâce des appellations les moins pudiques !). Notre musique se généralise du nord au sud, de l’Est à l’Ouest désormais en carence d’originalité, mais excellant à amuser la galerie, imposant avec elle obscénité et vulgarité. Serait-ce cela le bon fruit du Nsambi pour notre temps ?
Puisse la musique et ses instruments retrouver leurs lettres de noblesse, comme jadis la musique classique évocatrice de profondeur. La bonne musique s’écoute, elle fait voyager et aide à remonter le temps ; c’est en ce sens que j’approuve le dicton : « La musique adoucit les mœurs » !
(A suivre !)
KOUNKOU KUE Theodulos Auguste, pour Thauko.com
Paris, le 18 Mai 2016
Imagine
Conférence mensuelle : Avril 2016
L’Afrique subsaharienne et ses diables aux pouvoirs absolus
Toutes les sociétés sont régies par des lois, des règles qui canalisent les droits et les devoirs des individus qui se partagent le même espace vital. Ainsi en est-il d’un biotope ou d’une niche écologique pour d’autres espèces qui y vivent.
Pour les humains qui prétendent être égaux, il apparaît que les lois ou les règles de vie commune qu’ils se définissent (sous quelque mode que ce soit) doivent être régentées par un peu « plus égaux » que d’autres : des personnes autorisées, ayant reçues mandat de veiller à l’application ou du moins à faire respecter les lois ou règlements de la collectivité. Ce sont donc ces personnes autorisées, appelés plus éloquemment « autorités » qui jouent ce rôle.
Le rôle imparti aux autorités leur confère un pouvoir qui le situe à une certaine distance des autres, car désormais leurs relations aux autres va se vivre en fonction du rapport avec la loi ou les règlements de la société définie.
Il apparaît évident que le pouvoir donne aux uns, c’es-à-dire aux personnes mandatées à exercer certaines prérogatives, à interpréter les textes et à en donner l’esprit. Ainsi se constitue la chefferie dans la société, car le chef (la tête) devient une référence et de ce fait ne sera plus au même niveau que les autres membres du corps (la collectivité). Il lui incombera désormais d’incarner l’esprit des lois par l’exemplarité, le témoignage de vie. Nos sociétés traditionnelles furent constituées ainsi, avec un aréopage de dignitaires sensés dire le droit et le faire respecter. Au sein de l’institution des dignitaires du pouvoir va se hisser un autre pouvoir plus en vue, pour coordonner l’ensemble. D’une manière générale, c’est toujours autour d’un rituel que cette prise de fonction va se faire ; on y associant concomitamment les « absents- présents » (ceux de l’en dessous) qui nous portent sur la terre et dans l’espace temporel avec les membres « présents-visibles » qui vont devoir se conformer à l’autorité consacrée.
Le chef n’est donc plus n’importe qui ! Il reçoit le pouvoir vertical et horizontal de la communauté des vivants avec qui et sur lesquels il peut exercer sa préséance. Il reçoit de la communauté le privilège d’être le trait d’union avec les ancêtres envers lesquels il doit aussi s’acquitter d’un certain nombre d’obligations. Les autres membres de la communauté porteront sur lui un autre regard, une toute autre considération. Voilà qui va accroitre le pouvoir d’un individu qui a été comme les autres, mais dont le rituel d’intronisation vient de lui changer de rang, de distinction.
Le pouvoir est donc un fait indubitable dans la société pour que celle-ci vive en harmonie en son sein, mais aussi avec les autres, les extracommunautaires, puisque chaque société est régie par les us et les coutumes qui assurent la pérennité d’un peuple. Ce pouvoir attribué par la société traditionnelle chez les bantu (en général) était de gestion collégiale aussi bien avec les « absents-présents » que les membres du collège des dignitaires, représentant du peuple.
A la croisée des chemins avec « l’Etat importée » et ses attributs les plus fantaisistes et ambigües, le chef d’un Etat défini devient plutôt comme la pommelle d’une porte qui va s’orienter dans le sens du mouvement (intérieur ou extérieur), quoique fixé sur le cadre qui le relie à l’ensemble de l’édifice (le peuple). Cette métaphore en dit long, de la manière dont nos chefs d’Etats en Afrique subsaharienne exercent leur pouvoir vis-à-vis de leurs peuples respectifs. Etablis bien souvent pour garantir les intérêts d’anciennes puissances coloniales avec une mince marge de manœuvre pour ces pantins vis-à-vis des populations dont ils ont la charge ! Pris en étaux entre les impératifs économiques des autres et la devoir du résultat probant pour la collectivité, bien souvent ceux qui exercent le pouvoir politique en Afrique subsaharienne ont le tournis et finalement, on les voit peu à peu s’éloigner de leur base, s’enfoncer dans l’autoritarisme, pour finir par exercer leur pouvoir de façon absolu, à quelques exceptions qui s’en sont allé, hélas ! Précipitamment dans l’en –dessous, tant ils voulaient vivre l’exercice du pouvoir de manière collégiale, en se conformant à la volonté de leurs peuples respectifs. Le poids de l’op pression ne dit pas son nom, pour les pays dits indépendants.
En Afrique subsaharienne, nous avons des traditions qui font que l’ainé ou le chef jouisse de considération exaltante, voire même démesurée à la limite de l’adulation, cependant le chef ne se comportait jamais en tyran, terrorisant les siens, car son pouvoir lui venait des autres, de la cour des sages ou des « nganga » (les experts), mais surtout des ancêtres-les nkaaka (les ancêtres protecteurs) envers lesquels le chef devait se soumettre, en respectant les lois (mikieno), faute de quoi son pouvoir allait à la déchéance : surtout par manque de respect de la vie de ceux dont il avait la charge. Nous ne sommes pas ici dans un fonctionnement ni de type autocratique ni démocratique ni monarchique à l’occidental, mais dans un cas de figure bien particulier où la culture et les traditions autochtones canalisent l’exercice du pouvoir.
Cependant, avec l’imposition outre-mer de l’exercice du pouvoir téléguidé de l’occident avec les méandres de la démocratie qui étale ses limites au XXIe siècle, principe de gouvernement basé sur la force et la puissance des majorités qui n’entendent que le langage de rapports de forces et des conflits musclés, pour se faire entendre et ainsi faire fléchir ceux qui gouvernent. Tandis qu’autrefois chez les Bantu, c’était autour de la légendaire palabre africaine que tout se passait, un mode de gouvernement plus consensuel que de faire passer en démocratie des lois disposant de « passe-droit » !
La démocratie à l’occidental finit par se révéler comme une dictature des majorités investies sur les majorités silencieuses n’ayant pas droit au chapitre. Ce modèle de gouvernement vaut-il la peine d’être imposé et exporter outre-mer, comme un principe de gouvernement universel ? La réponse pourrait venir de Jacques Rancière, dans son opuscule : « Lahaine de la démocratie », cité dans notre ouvrage Kintuadi-Mayela à la page 102 , je cite : « La mécanique des institutions qui passionna les contemporains de Montesquieu, de Madison ou Toqueville ne les intéresse pas. C’est du peuple et de ses mœurs qu’ils se plaignent, non des institutions de son pouvoir. La démocratie pour eux n’est pas une forme de gouvernement corrompue, c’est une crise de la civilisation qui affecte la société et l’Etat à travers elle. D’où les chassés croisés qui peuvent à première vue sembler étonnants. Les mêmes critiques qui dénoncent sans relâche cette Amérique démocratique d’où nous viendrait tout le mal du respect des différences, du droit des minorités et de l’affirmative action sapant notre universalisme républicain sont les premiers à applaudir quand la même Amérique entreprend de répandre à travers le monde par la force des armes » (cf. La haine de la démocratie, p.9 La fabrique édition). Nous ne jetons pas d’opprobre sur la démocratie, cependant nous constatons qu’elle ne saurait être la solution aux questions existentielles des peuples pacifiques qui sont de traditions plutôt consensuelles que conflictuelles. La démocratie basée sur les contre-pouvoirs à son exercice entend plus le langage de conflits, des manifestations, de récriminations plutôt que le « kohko mahji-kohko mungua » : la pratique sociale du juste milieu promue par les koongo.
Jacques Rancière que nous citons à travers « Kintuadi-Mayela, pp.114-115 » poursuit en ces termes : « Platon, est le premier a inventer ce mode de lecture sociologique que nous déclarons propre à l’âge moderne, cette interprétation qui traque sous les apparences de la démocratie politique une réalité inverse : la réalité d’un état de société où c’est l’homme privé, égoïste qui gouverne. La loi démocratique n’est ainsi pour lui que le bon plaisir du peuple, l’expression de la liberté des individus qui ont pour seule loi les variations de leur humeur et de leur plaisir, indifférentes à tout ordre collectif. Le mot démocratie alors ne signifie pas simplement une mauvaise forme de gouvernement et de vie politique. Il signifie proprement un style de vie qui s’oppose à tout gouvernement ordonné à la communauté. La démocratie, nous dit Platon au livre VIII de la République, est un régime politique qui n’est pas un. Elle n’a pas une constitution, car elle les a toutes. Elle est un bazar aux constitutions, un habit d’arlequin tel que l’aiment les hommes dont la consommation des plaisirs et des droits est la grande affaire. Mais elle n’est pas seulement le règne des individus faisant tout à leur guise. Elle est proprement le renversement de toutes les relations qui structurent la société humaine : les gouvernants ont l’air des gouvernés et les gouvernés des gouvernants ; les femmes sont les égales des hommes ; le père s’accoutume à traiter son fils en égal ; le métèque et l’étranger deviennent les égaux des citoyens ; le maître craint et flatte des élèves qui, pour leur part, se moquent de lui ; les jeunes s’égalent aux vieux et les vieux imitent les jeunes ; les bêtes mêmes sont libres et les chevaux et les ânes, conscients de leur liberté et de leur dignité, bousculent dans la rue ceux qui ne leur cèdent pas le passage » (cf. J.R. La haine de la démocratie, P.42)
Que dire au final de cette comparaison ? Si tous les peuples de la terre étaient égaux tel que proclamé par la charte universelle des droits de l’Homme, les peuples entretiendraient entre eux un commerce basé sur le respect de l’altérité, plutôt que sur l’imposition d’un système de gouvernement qui ne tiennent compte de l’histoire, des coutumes et des traditions spécifiques de chacun. Hélas, que de bons discours a noyer le poisson ! Et pourtant les valeurs prônées par la démocratie pourraient être universelles, dans la mesure où celles-ci croiseraient l’inculturation autochtones. Il faudrait sans doute qu’on y travaille, pour que se taisent tout donneur de leçon aux égarés détenteurs du pouvoir absolu sur le continent Africain, plus particulièrement.
Le pouvoir absolu des potentats africains émerge de cette dichotomie de démocratie et de mélange incongrue des valeurs aériennes de la chefferie traditionnelle emmitouflée de paternalisme. Lorsque le salaire des fonctionnaires fait l’objet de chantage de la part des gouvernants et que le salarié aliéné s’entende dire que le président « Kingandi » va payer ; il n’ya rien de moins que de l’infantilisation des travailleurs, qui, comme des gosses attendraient du pain ou des bonbons de leurs parents. Ici disparait toute notion d’un Etat de droit qui se substituerait à la vassalité. C’est par le billet de ce paternalisme étatique que le peuple se laisse écraser, à cause de l’ignorance de ses droits et de ses devoirs, pour se laisser dicter toute conduite.
Le pouvoir absolu de certains ne leur est donné que par l’entremise de la méconnaissance ou de l’ignorance de la majeure partie du peuple qui a rompu son contrat avec la culture. Le pouvoir surf sur cet acquis pour mettre les gouvernés sous le joug de la dictature. Les élites qui auraient pu éclairer le peuple se sont fourvoyés dans les mondanités occidentales, loin des préoccupations de la survie des populations vulnérables, lorsque l’hédonisme n’aurait pas eu raison de leur existence !
L’appétit venant en mangeant, les détenteurs du pouvoir ne se voient plus exister autrement que par lui, ainsi la conservation du pouvoir par tous les moyens devient-il obsessionnel, donc pathologique. Pour y rester à tout jamais, on fait sauter les verrous des antivaleurs : corruption, trafic d’influence, laisser-aller…pour gagner la confiance des courtisans qui font faire le « sal boulot »d’étouffer tout mécontentement, toute réaction hostile au pouvoir. Ainsi va s’enraciner le pouvoir absolu comme l’œil d’Horus qui voit tout, sait tout et finira par donner à la tête (le chef) des idées ou plutôt lui insuffler la logique du coup d’état permanent, sachant que cet état d’esprit rend paranoïaque ! Arrivé à cette étape, on commence à voir le diable partout ! Or, chez les koongo, « le chef du village ne voit jamais le diable ! ». Ceci dit, c’est le branlebas qui s’annonce dans la société et l’enfoncement du peuple dans l’atroce misère morale, culturelle, économique. Bref, l’apothéose des crises qui, un jour conduira à l’implosion de la société.
Dans une conjoncture délétère, impuissant et misérable, chacun attend son messie et ici, tout bon parleur qui sait capitaliser sur les frustrations des plus vulnérables y adjoignant une douce dose de religiosité feint de paraître comme le Moïse, le sauveur, le libérateur du peuple. Combien de messie ont fini par se graisser la patte puis se sont détourné habilement de celles et de ceux qu’ils ont prétendu conduire à la terre promise ou dans un Etat de droit ?
Rien n’est plus minable pour un soit disant intellectuel que de se complaire à la manipulation des masses, faibles, incultes et ignorants pour leur imposer sa suprématie, ce serait comme voler la nourriture d’un aveugle. L’intellectuel est celui qui va affronter la gnose des autres et se confronter à plus érudit que lui, ou du moins à ses égaux, mais pas aux mal lotis, aux moins outillés que soi, sinon cela ne serait que de l’escroquerie et de l’infamie. L’intellectuel est aussi celui qui sait transposer dans le réel, ce qui gravite dans sa conception, sinon, le reste ne serait que théorie des lettrés, des gens instruits, mais pas assez cultivés (je m’en excuse !).
L’Afrique subsaharienne fait bien souvent face à ce genre de lettrés éclairés qui séduisent les pauvres gens, pour les plonger plus-tard dans l’amertume et la résignation. Ces diables, perturbateurs de sérénité et de quiétude divisent pour régner ; tel est l’étymologie de diabolos, celui qui divise, celui qui sépare et rompt, par le fait même toute cohésion au sein de la société humaine. Il ne saurait en être autrement : que pourrait-on attendre du diable, diable alors !
La longévité ou la survivance du pouvoir absolu des chefs d’Etats en Afrique subsaharienne est avant tout un problème culturel, profondément enraciné dans l’éducation des masses. Ainsi, l’éducation est relégué à dessein à l’arrière plan dans la gouvernance des Etats, de façon à « main-tenir » dans la manipulation permanente les population non aguerries à l’esprit critique, conditionnées par la survie quotidienne. Si les peuples pouvaient se passer des soucis de nourriture, d’eau potable, et de la préoccupation des soins médicaux, il s’émanciperait et s’affranchirait des gourous et des prétendus messies, et même du pouvoir politique pour exister.
Hélas, bâillonné et condamné à la survie quotidienne, le peuple infantilisé aura toujours besoin d’un père de la Nation et de la première dame et du fils de et de la fille de, pour la fierté nationale. Malheur et misère ! Vivre par procuration devient une fatalité à laquelle les gens viennent malheureusement à s’accoutumer ou plutôt à s’accommoder.
Les politiciens véreux qui ont bien capté le profil sociologique et psychologique de leurs concitoyens en arrivent à leur fabriquer des croyances à l’eau de rose, les maintiennent dans le statut quo, tandis qu’ils propulsent au loin leur progéniture avec les moyens de l’Etat. Petit à petit, la monarchie fait son nid dans nos républiques bananières où le motif mis en relief serait les compétences acquises par leurs enfants, leur conférant de facto le droit d’occuper les fonctions stratégiques, dans la gestion de la chose publique. Une monarchie déguisée se profile à l’horizon, hypothéquant les chances des autres jeunes compatriotes compétents qui n’ont guère de choix que de végéter en immigration, partir en exile où néanmoins le mérite et les compétences peuvent être reconnu et récompenser à juste titre.
Enfin, le dernier fléau qui cristallise le pouvoir absolu de nos diables est ce que nous pouvons appeler : le poids de l’ethnie, pour les peuples en voie d’évolution sociologique. Ce phénomène sévit surtout dans les ethnies minoritaires qui souffriraient peut-être du syndrome des minorités : plus les gens sont issus de ces groupes se hissent plus haut, plus ils font dans le favoritisme, au détriment du mérite des autres qui constitueraient un danger pour eux, pour leurs intérêts et non pour le bien commun. L’ethnie devient un subterfuge où la complaisance est garantie pour sécuriser le pouvoir. Les autres, différents, laisseraient planer des menaces au pouvoir qu’on souhaiterait garder coûte que coûte dans la région, la tribu ou le clan. Ace sujet, je vous recommande vivement de vous procurer le livre de maître Brice Nzamba, avocat au barreau de Paris, intitulé : « De l’ethnie à l’Etat-Nation », éd. L’Harmattan.
Aussi, pour se débarrasser du pouvoir que ces potentats ethniques font peser sur l’ensemble des populations, le peuple conscient et éveillé doit se préserver de l’assistanat des gens du pouvoir ou de leurs appendices d’ONG, fournisseurs de casquettes, tee-shirt, une tournée de bières, une offre de plaisirs faciles, etc. Opposant ipso facto de la résistance constructive, par le moyen de l’autonomie productive ; si non les autres feront toujours partie de la race soumise, résignée, manipulable à dessein.
Dans l’oppression, optons pour la résilience au lieu de stagner dans la résignation, car le pouvoir absolu des tyrans ne leur vient que de la démobilisation et de la démission du peuple. Résistance-Résilience-Réflexion.
KOUKOU KUE Theodulos Auguste, pour www.thauko.com
Paris, le 11 Avril 2016
Conférence mensuelle Juin 2016
Etre Parent aujourd’hui, ici et maintenant.
(Mes hommages à ma fille qui m’a inspiré ce travail et à qui je dois l’introduction de cette conférence)
La parentalité est un sujet assez complexe, dans le contexte socioculturel contemporain; tant la diversité des typologies familiales qui pullulent pourrait nous donner du tournis. « La revue sciences humaines n°232 du mois de décembre 2011 définit la parentalité comme un concept qui est apparu dès la fin des années 1950 en trois domaines des sciences humaines : psychanalyse, ethnologie et sociologie.
En psychanalyse, la parentalité met à part la question du genre. Elle concerne autant la mère que le père. En ethnologie, Esther Goody présente en 1982 à travers son ouvrage : « parenthood and social reproduction, Cambridge University press) » cinq composantes de la parentalité : concevoir et mettre au monde, donner une identité à la naissance, nourrir, éduquer et garantir l’accès de l’enfant au statut d’adulte par le mariage ou le travail. En sociologie, dès les années 1970. Cette notion a été impulsée par le mouvement des féministes qui revendiquent l’appellation des familles monoparentales afin d’éviter la stigmatisation des « filles-mères ». Ainsi la parentalité a été associée à cette typologie de famille, jadis qualifiée de précaire. « Il ne suffit pas d’être un géniteur, ni d’être désigné comme parent, encore faut-il devenir parent ». Ceci nous fait constater qu’il ne saurait y avoir de parentalité sans enfant. Elle est établie comme une fonction plutôt qu’un simple jeu de rôle, c’est une mission.
Le psychanalyste Didier Houzel définit la parentalité comme un processus psychique qui atteint les profondeurs de la personnalité de chacun. Serge Lebovici ajoute que c’est un processus non biologique. Celui-ci s’amorcerait chez la future mère lorsqu’elle est enceinte, on l’appellera alors maternité, ce phénomène concerne également le futur père, on parlera ainsi de paternité.
La notion de parentalité est un cheminement, comme illustré par Serge Lebovici : « Le chemin qui mène à la parentalité suppose qu’on est co-construit avec son enfant et les grands parents de ce dernier, un arbre de vie qui témoigne de la transmission intergénérationnelle et de l’existence d’un double processus de parentalisation-filiation grâce auquel les parents peuvent devenir père et mère ».
La parentalité est construite en trois axes d’après Didier Houzel : l’exercice, l’expérience et la pratique. L’exercice de la parentalité correspond à tout ce qui fonde et organise la parentalité : désignation du parent, exercice de l’autorité parentale, droit de filiation, transmission du nom, etc. L’expérience de la parentalité : Il s’agit de l’expérience subjective impliquée dans l’état de parent et dans les fonctions qui en découlent. En fait, plus tôt que d’état, nous ferions mieux de parler de processus, car on devient parent. De la pratique de la parentalité, il s’agit des aspects les plus objectifs des fonctions parentales, ceux-ci correspondent à ce qu’on appelle traditionnellement les « soins maternels » (alimentation, vêture, protection physique, propreté, soins médicaux éventuels, etc).
La fonction parentale consiste à une prise en charge affective et effective pour l’épanouissement de l’enfant, à savoir : assurer sa croissance biologique (le nourrir), veiller à sa sécurité (le protéger), garantir sa vie en société (le guider) et lui donner des repères pour bien vivre en société (contrôler).
La fonction parentale et la parentalité sont deux notions qui représentent une nuance subtile, car la parentalité est un cheminement des parents dans l’accompagnement de l’enfant, tandis que la fonction parentale consiste à exercer des compétences pédagogiques et humaines.
Nous n’allons pas nous lancer dans les méandres des fonctions maternelles et paternelles, au risque de nous y perdre ; cependant, il est important de reconnaître le particularisme et les spécificités de la femme et de l’homme, dans la complémentarité harmonieuse des atouts dont chacun est loti naturellement, du point de vue biologique par exemple ! D’après Jorge Barudy et Maryorie, co-auteurs de la bientraitance infantile, paru aux éditions Fabert : « Différentes recherches indiquent que ce qui incite les mères à donner la priorité aux soins et à la bientraitance de leurs enfants est en relation avec la capacité de l’organisme féminin à produire une hormone appelée oxitocine (voir Nelson, Pankseep et autres auteurs cités par Taylor S.E. 2002). Connue pour son action pendant l’accouchement, l’oxitocine est liée à la production de lait maternel et elle est responsable des sensations agréables qui suivent la souffrance de l’accouchement. La mère, bien-soignée et entourée par les siens, ressent alors une sérénité intense. Cela explique en partie la joie ressentie après avoir vécu une des expériences les plus épuisantes de la vie féminine. Beaucoup de mères décrivent une sensation de calme intense dont l’origine est le soulagement de savoir qu’elles ont traversé ce moment pénible. L’amour et les capacités d’attachement envers leur bébé qui vient de naître sont également liés à ce sentiment de bien-être. L’oxitocine n’est pas libérée seulement pendant l’accouchement et l’allaitement ; elle a également un effet sédatif. De nombreuses recherches réalisées avec des animaux concluent que l’oxitocine les tranquillise ; elle agit dans les situations de stress, bien qu’à ces moments là elle soit libérée en plus petites quantités. De même, sa présence dans le sang pendant les périodes de stress explique le fait que beaucoup de femmes, face à une situation menaçante, maintiennent un calme suffisant pour ne pas combattre ni s’enfuir et opter plutôt pour la protection de leur progéniture. D’autre part, la sécrétion d’oxitocine constitue la base biologique des capacités féminines permettant de prodiguer soins et bientraitance (Taylors S.E. 2002). Elle constitue probablement une des sources les plus importantes que la nature ait fournie aux femmes pour qu’elles s’occupent de leurs enfants, qu’elles les traitent bien et leur fournissent les soins nécessaires pour qu’ils arrivent à maturité, surtout en période de stress. La quantité d’oxitocine augmente aussi lorsque les femmes prennent soin des enfants d’autres mères. D’autres hormones liées à la conduite maternelle-telles que les peptides opoïdes endogènes, un ensemble de morphines naturelles sécrétées par le cerveau-provoquent un sentiment de satisfaction quand les mères s’occupent de leurs petits. L’œstrogène et la progestérone, produits en grande quantité au cours de la grossesse, prédisposent émotionnellement les femmes aux sentiments maternels après l’accouchement. Le niveau d’autres hormones s’élève également, tel celui de la noradréline, de la sérotonine et du cortisol, pour faciliter la prédisposition émotionnelle envers leur futur petit. La capacité naturelle des femmes à s’impliquer dans des relations d’aide semble également être régulée par les hormones mentionnées précédemment. L’oxitocine est, en effet, également considérée comme l’hormone sociale de la femme. Ceci peut expliquer le plaisir éprouvé dans les relations d’amitié. Par exemple, les peptides opoïdes endogènes facilitent les conduites sociales positives et permettent ainsi aux femmes de ressentir un plus grand plaisir que les hommes dans les relations d’amitié et d’entraide. Lorsque l’on considère ces éléments spécifiques à la biologie féminine, celui qu’on dit être le sexe faible, selon le modèle sexiste, est en fait porteur d’une force extraordinaire et d’une capacité essentielle pour la survie de l’espèce. Cette capacité à prendre soin des autres et à s’associer dans des dynamiques de coopération est loin d’être un signe de faiblesse. Au contraire, elle constitue une force et rend la femme d’autant plus digne qu’elle agit pour et avec les autres. La culture patriarcale a manipulé l’altruisme social des femmes et les a réduites au rôle obligatoire de donneuses de soins. Les contenus culturels sexistes prétendent que les femmes elles-mêmes considèrent que leurs capacités sont inferieures à celles des hommes. Malheureusement, l’histoire a montré que le pouvoir masculin est exercé pour commander, dominer, opprimer ou violenter les autres. Le discours patriarcal accumule les messages et les mécanismes de manipulation destinés à faire en sorte que les femmes se sentent coupables chaque fois qu’elles n’accomplissent pas à la perfection leur rôle de donneuses de soins.
Les hommes possèdent également une structure organique qui leur permet de s’impliquer dans les soins de leurs petits. Mais, pour la majorité d’entre eux, les règles de la culture patriarcale paraissent être plus puissantes que les conditions organiques. Ceci est aussi valable pour une minorité de femmes qui répondent aux stéréotypes imposés par le patriarcat dans des domaines liés au pouvoir économique, politique, militaire. Parfois, à cause de leur identification aux modèles sexistes masculins, ces femmes perdent les caractéristiques altruistes féminines que nous avons décrites. Les hommes donneurs des soins sont davantage impliqués dans des fonctions protectrices de défense de leur progéniture à cause d’actions hormonales différentes. Chez la femme, les œstrogènes renforcent les effets de l’oxitocine, facilitant les soins envers les autres et les dynamiques de coopération. Mais les recherches montrent que pour les hommes l’effet peut-être inverse ; en effet, ils produisent peu d’oxitocine. Les androgènes sont antagonistes, c’est-à-dire que la présence des hormones masculines peut réduire l’action de l’oxitocine. Par exemple, la testostérone augmente généralement dans des situations de stress, et donc la répercussion de l’oxitocine sur le système biologique et sur les conduites masculines peut, dans ces conditions, être minimale (Taylor S.E. et al. 2000). Les changements culturels produits par les mouvements féministes ont amené beaucoup d’hommes à se débarrasser du conditionnement patriarcal et à démontrer qu’ils peuvent aussi prendre soin des autres sans perdre le caractère spécifique de leur fonction. Il est intéressant de déterminer quelles conditions biologiques le permettent. En ce sens, David Gary (1999) soutient que la capacité à prodiguer des soins et à créer des liens amicaux est également présente chez les hommes, mais que son origine est différente. Comparés avec d’autres mammifères, en particulier avec les primates, les pères humains ont une plus grande capacité à prendre soin et à s’occuper de leurs petits. Les bons pères sont non seulement capables de fournir la protection nécessaire à leur progéniture, mais ils peuvent aussi être affectueux, prendre soin d’eux et montrer qu’ils en sont fiers. Ces pères investissent du temps dans les activités avec leurs enfants et s’intéressent à leurs façons d’être et d’apprendre. Ce sont des pères capables d’enseigner, de protéger et de veiller sur leurs enfants ; ils considèrent que ces derniers occupent une place prioritaire dans leur vie. Il est difficile d’identifier les composants universels de ce qui constitue une « bonne paternité » ou comprendre le circuit neuronal sous-jacent. On ne connait pas avec certitude les hormones qui guident et conditionnent la paternité et, par conséquent, on ignore pourquoi certains pères sont meilleurs que d’autres. Les pères n’ont pas vraiment été étudiés dans les recherches sur l’origine biologique et psychologique des capacités à prendre soin et à bien traiter les enfants. Jusqu’à une date récente, on considérait que le rôle du père était d’être un soutient pour la mère, la donneuse de soins principales ; mais dans la pratique, certains pères sont capables de mener à bien, par eux-mêmes, ce rôle envers leurs enfants, de les guider dans leur croissance et leur développement (…). Ainsi, les enfants bien traités créent des liens sécurisants avec leur père et avec leur mère. Lorsque le père s’intéresse à ses enfants, joue avec eux et en prend soin, les indicateurs d’attachement entre eux sont plus évidents ». Nous allons éviter de trop nous enfoncer dans l’univers alambiqué des hormones, pour conclure cette partie scientifique, en évoquant quelques similitudes : « La vasopressine est considérée comme une hormone prédisposant les hommes à s’occuper des autres en situation de stress. Cette hormone ne se différencie de l’oxitocine qu’au niveau de deux petites chaînes d’aminoacides. Cela suggère que l’origine de deux hormones provient d’un état antérieur plus simple : l’oxitodicine. A un moment donné du processus, l’hormone unique se dédouble et développe des fonctions différentes. La vasopressine, secrétée aussi bien par les hommes que par les femmes, régule la tension artérielle et le fonctionnement rénal. Mais, tout comme l’oxitocine, elle est aussi responsable de la réponse face au stress. C’est là que les choses deviennent intéressantes. Les hommes et les femmes libèrent la vasopressine en réponse au stress, mais les hormones masculines diminuent les effets de l’oxitocine et peuvent également augmenter l’action de la vasopressine, la transformant ainsi en une influence potentielle sur les réponses de soins données par les hommes. Dans le cas de la souris mâle des prairies qui, comme l’homme monogame, les niveaux de vasopressine augmente quand elle joue le rôle de sentinelle protectrice, patrouillant sur son territoire et maintenant hors de danger la femelle et les petits (Cyrulnik B. 1994 ; Taylor S.E. 2002) ». Somme toute, « La paternité et la maternité dont différentes. Il n’est pas fréquent que les pères se chargent de l’alimentation ou prodiguent des caresses à leurs enfants avec la même empathie qu’une bonne mère. Mais ils peuvent être d’excellents organisateurs et animateurs de jeux pour les enfants, être plus stimulants et vigoureux avec leurs bébés que les mères. Cela permet de créer un contexte stimulant pour leur développement, puisque les enfants ont besoin de moment de stimulation pour grandir. Les contextes nourriciers et plus calmes sont, le plus souvent, fournis par les mères. Par conséquent, on observe là une complémentarité qui constitue la base d’une parentalité saine, productrice et bienfaisante.
Avec la lanterne du psychanalyste Carl Gustave Jung qui nous éclaire sur l’anima et l’animus (l’anima est cette part de féminité chez l’homme et l’animus, la part de masculinité chez la femme. L’anima est introvertie et tourné à la réceptivité, se caractérisant par des qualités comme la sensibilité, les émotions, l’intuition, la douceur…ses défauts seraient la passivité, la jalousie, l’hystérie, etc. L’animus est extraverti et tourné vers l’activité. Il se caractérise par des qualités comme le courage, l’affirmation, l’intelligence relationnelle et analytique. Ses défauts seraient l’autoritarisme, la rigidité, la violence, etc.
La question la plus importante, en ce qui concerne l’exercice de la parentalité est : quelle autorité incarne les parents de nos jours, dans une société où la sacralité des dires de l’enfant est incontestable et plus crédible que la parole de l’adulte ? La fin du XXe siècle s’est soldée par la crise d’autorité (entre autre), dépouillant les adultes de la puissance du verbe et ayant propulsée l’enfant sur le trône royal du sanctuaire des droits de l’enfant, etc. Autrefois, c’était la toute puissance paternelle qui régissait la cellule familiale, jusqu’en juin 1970 où la loi du 4 juin, au nom de l’égalité homme-femme vint mettre en bémol sur l’autorité du père, stipulant en son article 213 du code civil : « Les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille, ils pourvoient l’éducation des enfants et préparent leur avenir ». Ce n’était certainement pas une mauvaise chose que de mettre en valeur ce rôle de la responsabilité partagé que doivent assumer désormais monsieur et madame au sein de leur foyer, par rapport à l’éducation de leurs enfants. Vers la fin du XIX e siècle, le statut du père va connaitre un démantèlement. En 1889 est légalisé la déchéance de l’autorité parentale ; en 1972, l’autorité parentale est substituée à celle du père (lire Delumeau Jean, Roche Daniel. Histoire des pères et de la paternité, éd. In extenso Larousse 2000, page 13).
Désormais, c’est la sphère juridique qui légifère sur l’autorité parentale et c’est donc en fonction de décisions de justice que le père peut jouir de son autorité parentale, en présence du vide juridique en la matière, étant donné qu’aucune loi n’a été promulguée à cet effet. Au XIX et XXe siècle, la place et l’influence du père dans la société commençait déjà à connaitre des changements en rapport avec le contexte économique de l’époque : « En 1841, la loi interdit au père d’exploiter son enfant en l’envoyant travailler dans les manufactures » (lire Liaudet Jean Claude dans, l’Art d’être père, éd. Albin Michel 2008, p.56). Sur le plan éducatif, le rôle d’initiateur qu’incombait aux parents est en quelque sorte transféré aux enseignants, avec l’institution de l’école obligatoire. En 1883, Jules Ferry explique aux instituteurs qu’ils sont « les auxiliaires, et à certains égards les suppléants des pères de familles » (Jean Claude Liaudet, p. 55) ; ainsi les pères seuls ou mères seules peuvent se voir confier la garde de leurs enfants, selon qu’il s’agisse d’une garde alternée ou exclusive.
Sur le plan social, le déchainement de la révolution industrielle ne cesse d’opérer de vertigineuses mutations jusqu’à nos jours où le progrès scientifique et technologique ne cesse de chambouler la structure sociétale traditionnelle : la famille et son fonctionnement avec notamment une pluralité de typologies familiales où l’enfant reste le maillon central de toutes les guerres idéologiques (divorces, monoparentalité, homoparentalité, familles décomposées, familles recomposées, pacs, GPA, PPA, le gender, etc.). Le tableau ne saurait être triste, tellement animé d’intrigues et des drames.
Je vous fais grâce des statistiques de tout genre, des textes de lois et tout ce qui foisonne dans ces domaines sensibles. C’est dans cette ambiance que nous devons chercher comme une aiguille dans une botte de foin, l’autorité parentale et être parent aujourd’hui, Ici et maintenant. A cela s’ajoute, pour nous autres qui venons de loin, la conjugaison de notre patrimoine culturel imatériel aux injonctions des sociétés où nous sommes établi, sans nous diluer dans ce breuvage toxique de la mondialisation ultra libérale aux soubresauts inimaginables. Alors, être parent aujourd’hui, ici et maintenant ne serait-il pas entré dans un changement de paradigmes qui exigerait de notre part vigilance et souplesse, de façon à concilier les extrêmes avec le postulat kuéiste, autrement dit : « kohko mahji-kohko mungua » (pratiquer la politique du juste milieu, savoir placer le curseur au bon endroit !)
Les parents, ne devraient-ils pas se réapproprier leur rôle primordial d’initiateur et de transmission des fondamentaux de la vie à l’enfant, dans un contexte de crise de l’école telle que voulue par Jules Ferry ? (les innombrables réformes scolaires qui foisonnent au fil des années pourraient en être illustration.)
La vie en internat devient un cas d’exception, alors qu’à la base, les internats (les pensionnats) n’étaient qu’un cadre ordinaire pour assurer un meilleur encadrement des enfants en situation précaire, de façon à leur donner les chances égales par rapport aux enfants des familles fortunées qui pouvaient se payer les services d’un précepteur, etc.
Aujourd’hui, bien des parents trainent en eux une mentalité d’enfants « mal sevrés », des germes d’une enfance non achevée. Nous nous retrouvons avec une génération d’enfants-parents qui n’ont eu ni enfance ni adolescence, ni jeunesse mais ont engendré de vies humaines qu’ils ont du mal à conduire à maturité, parce que parents précoces ou immatures eux-mêmes. Ceci peut aisément se constater par l’irresponsabilité, l’insouciance et les divagations dont ils font preuve. C’est à peine qu’on pourrait presque les comparer à leurs enfants dont ils sont égaux à travers leur genre de vie. Certains entretiennent des rapports de transfert parentaux sur leurs enfants ; projetant sur ces derniers leurs rêves manqués d’enfance, y trouvant une sorte de compensation, d’une revanche envers leur enfance brisée, une sorte d’autosatisfaction en plaquant sur leurs enfants des gadgets d’adultes, symbole d’un complexe de parvenu, au lieu de laisser l’enfant suivre son chemin de maturation normale. On offre l’enfant en spectacle, le jetant en pâture dans le monde des adultes auquel il ne saurait maîtriser les codes existentiels… Ces cas sont légion dans la sphère de l’idéologie où le vêtement prend plus de place dans l’Etre que l’être lui-même. On ne saurait-être parent en s’infantilisant. Un parent est celui qui a des repères auxquels il se réfère pour ne pas se perdre et en lui l’équilibre, à partir de laquelle il va construire la vie de ses enfants ; car nul ne peut donner ce qu’il n’est, les chèvres ne font pas des taureaux, quoique cela soit bientôt possible avec les O.G.M. et les perturbateurs endocriniens !
Ce qui amplifie la crise de l’autorité parentale de nos jours est d’abord le fait du syndrome d’enfants-parents dont le rôle parental se confond avec celui de l’enfant, avec les parents qui se retrouve dans le dénis inconscient de leur état d’adultes, s’accrochant au jeunisme et perdant par le fait même leur considération d’adulte au milieu des enfants. Ainsi nous nous retrouvons face à une société de grands enfants qui sont entretenu par la société de consommation, troquant leur autorité aux nouveaux maîtres éducateurs des temps contemporains que sont les médias avec les réseaux sociaux qui imposent désormais leur diktat dans ce qui reste d’une vie de famille ou en famille. Les parents fugueurs substituent ainsi leur absence au foyer ou du moins leur fuite en avant par des gadgets d’évasion permanente où les enfants vont se laisser apprivoiser par le virtuel plus que par le réel. Nous allons nous épargner le chapelet des maux qui minent notre société et plus particulièrement la famille, pour tenter d’aller à l’essentiel, chercher des voies et moyens de sortie de la galère des familles, surtout pour celles issues de l’immigration, confrontées aux enjeux de l’intégration socioculturelle dans un autre environnement que celui des origines des parents, bien souvent homogène. Ici, il est aussi question de se confronter à un environnement cosmopolite où nous ne saurions faire l’économie de l’éducation interculturelle, qu’il n’en déplaise aux radicaux de tout bord qui préfèrent éclipser la question du débat constructif !
Il s’agit ici et maintenant de composer avec l’altérité, dans le respect du vivre ensemble, pour donner à chacune des familles, des possibilités de se ressourcer dans l’encrage des origines et de s’en nourrir. On appellera cela traditions (si on veut), mais il nous paraît impérieux et nécessaire de retourner aux sources de chacun, pour se reconstruire et retrouver les outils d’exercice de l’autorité parentale, dans un contexte critique d’une mondialisation génératrice de violences aveugles.
Si nous étions d’accord avec le psychanalyste Didier Houzel que la parentalité est un processus psychique qui atteignait les profondeurs de chacun, nous avons donc à faire le point avec nous-mêmes dans une introspection de notre cheminement et la manière dont nous nous positionnons face à l’enfant, en tant qu’adulte ; car éduquer c’est accompagner à la maturité, c’est faire grandir et encadrer, en prenant appui sur nos repères, pour ne pas nous perdre ! Puis que c’est l’enfant qui fait le parent à travers le processus de « co-construction », comme l’affirme Serge Lebovici ; l’adulte se doit de se nourrir, pour trouver de la matière organique à transmettre, autrement, nous n’aurions pas d’autorité. Celle-ci vient de l’expérience qui donne du poids à notre parole d’adulte, de la crédibilité pour tisser des liens de confiance. Dans l’univers culturel Koongo, le père est appelé Taata (celui qui dit la parole ou plutôt celui qui incarne l’autorité, cf. Kintuadi-Mayela PP. 185-188)) et la mère maama, celle qui sait apaiser (mama signifie se calmer comme ki mama=la statue), c’est grâce à la sérénité maternelle et la bonté affectueuse paternelle qu’une famille peut aisément accompagner l’enfant à sa construction équilibrée (dans les conditions normales !).
On ne peut être parent tout seul, c’est une charge que l’on partage de gré ou de force avec quelqu’un d’autre. Socrate disait au sujet du couple parental : « Dans tous les cas mariez-vous. Si vous tombez sur une bonne épouse, vous serez heureux, et si vous tombez sur une mauvaise, vous deviendrez philosophe, ce qui est excellent pour l’homme ». Choisir d’être parent, c’est opter d’entrer à l’école de la sagesse qui exige des sacrifices. Etre parent, c’est donner la vie en payant de sa vie.
Etre parent c’est aussi savoir anticiper, être prévoyant, savoir sécuriser ceux envers lesquels nous sommes missionné, les mettre en confiance et savoir définir et fixer un cap pour eux. Tout ceci pourrait se résumer en un mot : gouverner ! A l’instar de la gouvernante qui signifie : femme chargée de l’éducation d’un enfant (d’après le petit Robert). Gouverner, c’est exercer de l’autorité, diriger à l’aide d’un gouvernail, commander, régir ; pour cela, la parent doit être une personne de parole crédible.
Fait à Paris, le 31 Mai 2016
KOUNKOU KUE Theodulos Auguste pour www.thauko.com